jeudi 10 mars 2011

Voyage en CARGO...

­Carnet de bord
Au départ, je pensais écrire ma découverte du voyage en cargo au jour le jour, mais m’avouant bien incapable de m’astreindre à une écriture quotidienne scrupuleuse du temps, des lieux...  J’ai donc opté pour un ensemble désordonné : images, rencontres, descriptions, souvenirs, plans, rêveries...
Seule ma première impulsion, retraçant mon arrivée à bord est détaillée tel un programme de visite touristique. Inassouvi le besoin de tout marquer, de garder une trace, de s’accrocher encore un peu.
Face à l’immensité, le plein aquatique vient remplir le vide du partir...

****

18/02/2010  - 9H12 - Brume 3°C - Antwerpen
Arrivée sur le port, le 4x4 familial est bien petit face aux insectes métalliques qui parcourent les quais.
Nous découvrons enfin le bateau. L’arrière de son corps Ocre & Blanc s’ouvre comme une gueule béante et engloutit, dans une mécanique,  voitures, vans & camions en direction son ventre rugissant...
Après vérification de mon passeport, un homme d’équipage me guide et m’aide à monter mes bagages. A la vue de mes nombreux sacs, il décide d’utiliser le clark... Puis direction « l’ascenseur »   pont N°12.  Nous trouvons rapidement ma cabine  « 1232 ».  Mercy, la steward du bord, me remet les clefs. 
Après une séance photos sur le quai avec mon père, je le regarde s’éloigner et se perdre dans la brume...
 De retour au pont 12,  je fais la rencontre de 3 autres passagères : 2  mamies américaines réalisant un demi-tour du monde ; 1 jeune retraitée française, directrice d’une école privée, son rêve, s’installer au Havre... (Le monde est tout petit!!!)


10H30 Briefing de sécurité et de conduite à bord du vaisseau.  Le Capitaine en second « Anders » me prie de bien vouloir traduire, pour aider Béatrice à bien suivre !!! Oui, il fallait l’entendre pour le croire ... J’ai compris approximativement... Après une rapide visite, nous avons bien visualisé où étaient situés les gilets et combinaisons de sauvetage « Life Wear », les Zones qui nous sont accessibles.... et noté les heures de repas : 7H 30 – 12H- 18H
Je rejoins ma cabine, M’installe ...

12h MESS Premier déjeuner au Mess des officiers, l’espace, comme  la nourriture, sont agréables, nous mangeons entre passagères... les discussions vont bon train : destination, pourquoi du comment d’un tel voyage...
Après une courte sieste,  je monte sur le pont photographier l’agitation du port... Des échassiers bizarres dansent dans un ballet sans fin et construisent une micro-ville de conteneurs sur l’avant du cargo. Des voitures (et des hommes) s’envolent au dessus de nos têtes pour venir s’amarrer sur le pont supérieur...  bientôt il n’y  auras plus une place sur le bateau. Je voyage dans un parking ...
De retour dans ma cabine ,je décide de commencer ce petit journal de bord, quand un bruit sourd, me fait  chavirer sur ma banquette, tout va bien c’est juste la répercussion du bruit des voitures qui sont déposées juste au dessus de ma « cellule »
17h30 déjà, il est grand temps que je remonte profiter du coucher de soleil sur l’Escaut... Sur le pont avant, grutiers et hommes d’équipages terminent la partition d’un «  Tetrix » monumental.
18H15 Diner Je rencontre une 5° passagère (montée à London et de sortie sur Antwerpen toute la journée) : Marianne est Américaine francophone, linguiste elle parle 7 langues. Marianne & Béatrice connaissent très bien l’Afrique et se proposent de me faire une petite semaine « d’adaptation » au mode de vie africain. 1° exercice: ne plus me servir de ma main gauche (impure).
Nous sommes donc 5 passagères à bord du cargo. Le voyage solitaire devient à chaque rencontre : un riche échange entre 3 générations de femmes...
Le Master (capitaine) nous informe (la traduction est toute suite plus évidente avec notre linguiste !!!) que le bateau ne partira qu’au petit matin....

Quelques clichés de nuit sur le port,  j’ai la douce sensation de vivre un rêve... 
Première nuit

19/02/11 – Antwerpen – 4°
7H30 Lors du petit déjeuner, Marianne nous fait remarquer de légères vibrations : les moteurs sont en route, départ prévu pour 9H.
L’attente est longue, nous ne partirons qu’a 15H, (après plus de 5 jours de retard...sur la date initialement prévue : 14Fevrier2011) Le Master évalue de façon optimiste une arrivée à Dakar le 25/02 début d’aprèm !!!
Les pilotes vont diriger l’imposant vaisseau de fer. Comment un si petit bateau peut-il déplacer cette masse d’acier qu’est le Grande Atlantico ??? Après quelques manœuvres et deux bassins, à 16h nous empruntons une longue et large écluse. Le pilote Belge quitte le bord, puis nous remontons l’Escaut ...  
dans 6h : la Mer

GRANDE ATLANTICO :
Longueur 214m / largeur 34m/ hauteur 30m

Béatrice
J’apprécie  plus particulièrement la compagnie de Beatrice. J’aime sa façon lente et posée de s’exprimer, d’articuler, ses respirations, sa bienveillance et son pantalon de Tintin... Son visage est doux et ses cheveux grisonnants cherchent le vent sous son bonnet. Aux extrémités de son corps de fausse maigre (comme elle aime à dire), ses mains dessinent des mots quand elle récite des vers de Victor Hugo : Au clair de lune. 


Première nuit étoilée
Au large du Maroc, le ciel scintille de milles diamants... Je n’ai jamais vu autant d’étoiles*. De l’horizon à l’horizon, le spectacle est saisissant. Le vent  se mêle aux sons de mes écouteurs : « I am bird now » d’Anthony Johnson. Première larme devant tant de beauté.
(Je t’envoie mes premières larmes devant tant de beauté.)

* Derrière chacune d’entre elles j’aime à penser qu’il  y a des êtres chers  (peut être des souvenirs du Roi Lion ;) 

« le bateau (L)ivre »
C’est presque une habitude, j’ai trouvé mon coin, mon refuge, mon belvédère, durant des heures sur mon perchoir immaculé, entre radars et boussoles, contre la fine barrière à même le plancher métallique : je me blottis dans ma polaire prune comme dans l’intensité des mots que je lis. Je me surprends à sourire d’une phrase, d’une situation, parfois laisse échapper un rire qui prend pour écho l’océan qui m’entoure...
Pour mémoire : Inassouvies, nos vies de Fatou Diome 
« J’ai accueilli ton présent : Inassouvies, nos vies de Fatou Diome comme une confidence. Je n’ai pu m’empêcher de penser à mes grands-mères et à la tienne, à notre enfance... J’ai aimé ce dialogue à distance: longues heures passées sur le pont, le livre entre mes mains comme un lien tangible entre nos sentiments...
Merci, Je pense à toi »

Séance de cinéma
Passant au large du Maroc, Halowa propose une séance de cinéma : « Casablanca » ... un classique, son film préféré  « So Romantic !!! »

Open douche
J’ai passé ma nuit dans un manège, la couchette tangue, « So Rock&roll !  » dixit Alowa. Béatrice a le mal de mer  (seasick ) : les bracelets magiques (de chez Nature & Découvertes)  l’aideront peut-être à retrouver vite la forme...
Le cargo est véritablement penché sur le flanc gauche, poussé par un vent d’Ouest... Au pont 12, la tuyauterie déraille. Les cabines de bains de mes camarades et la laverie sont envahies d’une eau boueuse, peu ragoutante ... les Wippers font ce qu’ils peuvent mais en fin de journée, Béatrice et Marianne emprunteront ma douche ...

karaoké
Laini (la plus jeune des deux américaines) nous entraine  ‘in the life Room’ (espace réservé à l’équipage filipino). Quand elle chante, elle dégage une énergie folle, elle partage sa passion avec nous. Le karaoké est une institution nationale aux Philippines. Entre bières, alcools et cigarettes  nous découvrons  de merveilleux chanteurs !! De véritables crooneurs se cachent parmi les hommes d’équipage,  ils semblent heureux de chanter et danser avec nous ...  

Rumnick de mosa
OS (Ordinary Seaman), Philippin de 23 ans, Le plus jeune de l’équipage, de quoi rêve-t-il après ses journées de travail ?
Peut-être d’une dernière danse...

Georges ou le ronfleur
Je vous présente Georges. Il tient son nom de la lettre G  qui orne son flanc. Large masse parée de bleu, il me fascine. Georges n’est que la face visible, la cheminée et la porte d’une mystérieuse salle des machine... le souffle chaud  à l’arrière du pont c’est lui,  le ronronnement incessant dans les cabines, c’est lui aussi...

Visite d’un Parking Flottant
1670 Voitures / 731 Vans / 306 engins de chantiers et camions                 
Soit 20707 Véhicules = 8340 Tonnes
Mais aussi 334 Conteneurs = 7030Tonnes

Salle des machines
- 60 Tonnes de carburant par Jour  (autonomie un mois)

Séance photo
C’est au large de la Mauritanie, sous un ciel bleu que Laini a organisé une séance photo de groupe, avec la complicité de Carl ( un officier  suédois) nous posons tels des mannequins  aux quatre coins du bateau... entre chapeaux et lunettes de soleil, un beau moment de complicité entre femmes.

animaux marins
Je n’ai pas eu la chance de croiser la route d’une baleine, ni même d’un dauphin; cette joie sera pour un prochain voyage !!!

Swimingpool
A l’arrière du bateau au dessus de la lourde porte de fer, une cuve sèche d’un bleu délavé semble attendre. Cette forme vide est la piscine du bord. En amont de cette cavité une  petite aire  de bois fait office de plage : « c’est notre petit Deauville... » Ce micro complexe aquatique a été construit par l’équipage. Malheureusement, il ne sera mis en eau qu’après Dakar. Mais J’aime m’asseoir au premier barreau de l’échelle de bois pour regarder longuement notre sillage...

KItchen
La cuisine du bateau est l’espace de travail le plus vaste du bateau, son stock est gargantuesque... Fernando, le COOK philippin, prépare de délicieux plats d’origines diverses : Porc Hawaïen, Repas suédois (boulettes Ikea !!), crêpes, beignets de poissons, soupe Thaï, Pizza... Sa cuisine est très variée  et ravit équipages et passagers.
Tri sélectif : Pour les poissons / Divers /Plastique

Partie de pêches
Arrivée au large de Dakar, le Grande

VoyageR par voie maritime :
S’engouffrer, suivre le vent, sentir le temps, partir à l’aventure, perdre la notion du temps, découvrir un autre monde, se laisser désorienter, observer, contempler, écouter le silence, prier, rencontrer, partager...
              Vivre les « langueurs » océanes

MER  (nom. F féminin)  Antalgique naturel, puissance d’eau salée berçant les enfants du vent, miroirs des songes...

Arrivée
D’après un échange avec Béatrice :
Arrivée en bateau, c’est comme aborder un être Humain... On le regarde, on l’observe, on l’espère, on se languit d’approcher, d’accoster...  Ces côtes rondes et pleines se découvrent sous une brume chaude tel un mirage. Des effluves d’arachides torréfiées se mêlent aux huiles du bateau...

DAKAR
C’est de nuit que je découvre les lumières du port de Dakar.
Au petit matin « les rats quittent le navire... « 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire